Influences

Le premier musicien qui m'a sidérée fut un batteur.
Il y a toutes sortes de toitures dans le monde. Beaucoup sont en tôles.
Là où il fait chaud, là où il y a des orages, des pluies torrentielles.
Ce batteur splendide vint du ciel dans un claquement de tonnerre impeccable suivi d'un silence. Puis il commença son jeu de baguettes inspirées sur les tôles de Tamatave. Doux puis emballé, puis violent puis doux avec un silence avant une dernière ponctuation. J'ai vécu l'extase.

Le deuxième musicien fut un bassiste. Une contrebasse qui swinguait une mesure impossible, arythmique, sur ses deux cylindres en V de 744 cm2.
Une contrebasse du nom de Harley WLA fabriquée en 1942 du côté de Milwaukee, vêtue de kaki pour débarquer en Normandie, puis revendue en masse au gouvernement Français. Mon père passa son permis d'en jouer en 1949 à Tananarive.
La gamme n'était pas trés étendue, avec un bourdon permanent qui rassurait faussement sur la durée du morceau. Mais l'intro était explosive et la mise en place du swing, incertain, pleine de promesse d'aventure. Et je regardais mon père s'éloigner en emportant la musique. On ne les voyait plus, qu'on entendait encore longtemps la partition décroître dans les notes les plus graves.

Le troisième musicien fut un pianiste.
Compositeur. Du nom de Frédéric Chopin.
Et ma mère. Sa Magnifique Interprète.
La chaleur humide désaccordait le "piano verni". Légérement, car on l'entretenait à peu près.
Mais c'est ce détail qui, sans jamais l'avoir entendue avant ni ailleurs, me faisait ressentir à l'époque, des messages de déracinement dans sa musique.
Larmes de diamant et lampes-tempête.
Interprété  sur les beaux pianos accordés des salons Louis-Philippe de
l'hémisphère Nord, il m'apparut comme un mélancolique aux yeux secs.

Puis j'ai pris une guitare et j'ai fait des chansons.
Car avec des musiciens comme ça, il n'y a que le sur-mesure.

Bea Tristan le 20 Avril 2008, dans la petite fourche du delta.