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Friedrich Il pleut des hallebardes. Belle expression quand on y pense. E 35, Freiburg- Mulhouse. Dans mon retroviseur, les disques lumineux des phares de "l'équipée sauvage". Devant, la plaque d'immatriculation de Frédéric. Biker Fantome. Car on fait aussi bien que "Ghost Rider", les flammes en moins peut-être, mais la vraie histoire en plus par contre. On fait "Bande de sauvages" aussi...de grands enfants, c'est ça,bien sûr. Les bikers, c'est bien connu, ils ont des nattes dans le dos, des tatouages, et ils lisent 'Joe Bar team'...pour ceux qui savent lire.Tout le monde vous le dira...d'ailleurs y'a qu'à me regarder...... Ah, j' oubliais "Burt Munroe"(1)...oui Burt...à 68 ans donner sa claque au monde sur le Lac Salé.... On devrait rendre obligatoire la projection de ce film dans les collèges et les maisons de retraite. Aux uns l'interdiction de prononcer le mot "papy" à quelqu'un d'autre que leur grand-père, aux autres "Mesdames, Messieurs, levez-vous encore une fois, même quelques secondes, mais levez-vous". La vie, toujours la vie. Jusqu'au bout. Un halo de brume rend de moins en moins précis le contour des disques lumineux dans mon rétroviseur.Il pleut de plus en plus fort. Je sais à quoi ils pensent tous dans leur casque. Le Zang "ça y est, je vais me les rincer", Jeep "bon, je vais tirer devant, après tout chacun pour soi", Michel "les gonzesses c'est pas fiable", Thierry "c'est pas aujourd'hui que je vais me trouver une nana", Fa (le maniaque des chromes) "2 heures de nettoyage en rentrant minimum", et moi "encore 300 bornes...", et devant, Frédéric, Biker Fantome. Les hallebardes tournent au canon, l'orage éclate. Grosse station-service. On s'arrête. Des litres de café brûlant.Tout le monde parle Allemand. La vie, toujours la vie. Des familles entières sortent en courant des gros 4x4 pour se précipiter à l'intérieur pendant que le papa refait le plein. On dirait que les enfants d'aujourd'hui ont peur de se faire mouiller...on se regarde, on est trempés, on se marre, on parle..... "finalement, ça ressemble au bonheur, non?" "ah tu trouves, et c'est quoi le bonheur pour toi?" "ben...je sais pas..." "moi j'vais vous dire, on enterre un pote, ma femme s'est barrée, et on prend la flotte sur 400 bornes!" "écoute, Frédéric a eu la mort qu'il souhaitait..." "ah, et c'est le bonheur d'après toi?...et la femme de Michel qui est partie, avec un con entre parenthèses, t'en penses quoi?..." "ben, elle va pas tarder à le regretter.." "au fait, vous saviez que Frédéric était Protestant?" "non, mais tu vois, je me doutais bien d'un truc..." "Tu dis ça sur le ton il était trafiquant d'armes..." "trafiquer avec le Bon Dieu c'est un peu pareil, non?..." "bon,je sens que Bea va s'énerver, surtout qu'elle était vraiment bien à lire son petit morceau de Bible hier, non sans blague, Frédéric il devait être content là-haut...surtout la phrase top, tu vois ce que je veux dire là, le truc sur le virage...tu peux nous redire ? " Alors j' ai redit, "mon enfant, n'aie crainte dans les courbes, car le Seigneur Lui, écrit droit"....." et j' ai encore dit "les gars, c'était pas Frédéric son nom, on a toujours fait comme ça en France, mais vous avez entendu, c'était Friedrich....oui Friedrich...essayez de le dire bien, avec l'accent...." On est repartis. Friedrich en tête. On a eu la flotte jusqu'au bout. Et la vie, toujours la vie. Bea Tristan, 3 juillet 2007. |
